La classe renversée: une expérience d’enseignant

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Formateur à l’ISG International Business School et au CRC (Centre de Recherche et d’Etudes des Chefs d’Entreprises) depuis plusieurs années, Philippe ASKIENAZY partage avec nous sa pratique de classe renversée. Après un parcours varié, la formation est devenue sa passion.

Bonjour Philippe ASKIENAZY, quel a été votre parcours ?

J’ai un parcours varié puisque j’ai travaillé dans différents secteurs d’activité (le conseil, l’entreprenariat, l’évènementiel). J’ai commencé autour de 30 ans par faire des interventions ponctuelles en formation, 2-3 fois l’an, dans le cadre d’un remplacement de collègue qui était formateur. Je suis entré ensuite, et ce pour plusieurs années, au CRC (Centre de Recherche et d’Etudes des Chefs d’Entreprises) comme intervenant. C’est devenu ma passion et j’ai recentré mon parcours sur la formation en tant qu’activité principale. Je n’ai pas été formé aux pédagogies, donc je transmettais surtout ma pratique professionnelle. Mais ça ne me suffisait plus, surtout que je me retrouvais devant des publics de plus en plus jeunes. Aujourd’hui, j’interviens principalement à l’ISG International Business School.

Que représente la formation pour vous ?

Pour moi, la formation, c’est transmettre, donner, faire grandir, aider les gens à grandir et innover, car c’est fondamental pour moi.

Quels sont vos publics actuellement et quelles sont vos thématiques d’intervention ?

Actuellement, j’interviens sur les formations continue, initiale et en alternance. Ces dernières prédominent dans mes interventions. Elles sont très intéressantes car les étudiants ont déjà un pied dans l’entreprise. Les trois grandes thématiques sur lesquelles j’interviens sont l’innovation. Il y a le Design Thinking, les stratégies de l’innovation, le Business Management et les pratiques innovantes. La deuxième concerne l’ingénierie et le management de projet. Quant à la troisième, elle est centrée sur le marketing mobile et la digitalisation du point de vente autour du phygital (optimisation de l’expérience utilisateur physique liée à un point de vente).

Parlez-nous à présent de comment vous en êtes venu à la pratique de classe renversée :

Jean-Charles CAILLEZ, la référence en classe renversée et directeur de l’innovation pédagogique à l’Université Catholique de Lille, est venu un jour faire une conférence à l’ISG et j’y ai assisté dans le cadre de mon travail. Ça a été une révélation.

Comment se déroule une séance de classe renversée dans un de vos groupes ?

Sur une séance de quatre heures, et un groupe de 25-35 participants, je commence par présenter pendant 30 minutes le sujet sur lequel je vais leur demander de réfléchir, en rapport avec la thématique abordée. Puis je forme les sous-groupes, 5-6 selon le nombre de participants, et soit je leur demande de réfléchir sur une déclinaison différente, soit sur la même, ce qui me permet de voir l’approche de chaque groupe et de les mettre en perspective. Je leur explique ensuite le but et la démarche de manière plus concrète, à savoir le fait d’apprendre à travailler rapidement et de répartir leur temps en 50% de temps de compréhension et de recherche du sujet, et 50% de préparation et d’exposé de leur présentation. Je mets à ce moment-là l’accent sur l’importance d’être capable de chercher par soi-même, de réexpliquer, d’être synthétique et d’aller à l’essentiel car le temps imparti pour l’exercice est serré. Dans ce type de démarche, ce qui est important, c’est de toujours vérifier que les étudiants puissent toujours trouver des informations sur internet, de ce fait ils viennent avec leur ordinateur. Je leur laisse une heure. Certains groupes débordent parfois, mais je réajuste progressivement, surtout que je fais la pause après. Ceux qui le souhaitent peuvent donc prendre sur ce temps s’ils en ont besoin. Ensuite, vient la présentation de 10mn pour chaque groupe. Il s’ensuit un retour avec le groupe-classe qui apporte des compléments et nous soulignons alors les atouts et les améliorations. A la fin de cet échange, je donne le support de cours pour voir ce qui a été simple pour eux. Enfin, la séance suivante, je reprends le sujet questionné et fais le cours que j’avais préparé.

Pour vous, quels sont les bénéfices de ce type de pratique ?

Il y en a plusieurs : pour commencer, ça leur apprend à travailler plus rapidement car ils doivent vraiment organiser leur temps avec un but d’efficacité, et non de perfection, ce à quoi certains étudiants apprennent à renoncer. Ensuite, cette approche développe leur maturité face à la compréhension de sujet. De plus, ça leur apprend à l’appliquer à d’autres domaines. Enfin, le bénéfice le plus important, sachant qu’un grand nombre d’étudiants est en alternance, est que ça les outille face à des situations professionnelles, disons que ça développe leur adaptabilité professionnelle et ça aide à leur professionnalisation. J’ai eu beaucoup de retours en ce sens. Certains étudiants sont venus me dire qu’ils avaient été chargés par leur entreprise de faire la synthèse d’une réunion aux salariés, d’autres ont exprimé le fait qu’ils comprenaient mieux certaines réunions en entreprise. C’est extrêmement positif. Par ailleurs, quand vous avez des étudiants en entreprise qui sont dans une dynamique de l’action et qu’ils reviennent à l’Ecole, si vous leur dites qu’ils vont devoir rester assis bien sagement, souvent pendant huit heures, ça ne peut pas marcher. C’est vrai qu’il faut un réel investissement de l’intervenant, mais plus cette pratique est mise en place, tout comme d’autres visant à dynamiser l’interaction de groupe, plus ça fait bouger.

Y a-t-il d’autres choses que vous conseilleriez ?

Il y a énormément de façons d’innover en formation. Celle que je retiendrai également est celle qui consiste à leur faire synthétiser un cours. Je m’explique : après deux heures de cours, demander aux étudiants de synthétiser visuellement une idée du cours qu’ils ont particulièrement comprise/retenue. C’est très bénéfique, et ça peut aussi permettre de réajuster la compréhension de certains points.

Tous nos remerciements à Philippe ASKIENAZY, formateur à ISG International Business School, pour notre échange du 23 septembre 2022.